01.12.2023 Giorgio Cravero

GFX100 x GIORGIO CRAVERO | Nature morte d’une montre Unimatic

Giorgio Cravero

Giorgio Cravero vit et travaille à Turin, où il est né en 1975. Diplômé en communication visuelle à l’Institut Européen de Design (IED), il a commencé sa carrière en tant que photographe d’architecture et de natures mortes.
Évoluant entre la photographie traditionnelle, le numérique et les nouvelles technologies, il associe souvent, en utilisant la lumière pour décrire la forme et les matières, plusieurs techniques pour souligner et communiquer sa façon de percevoir les objets et l’espace.
En 2012, après en avoir été le propriétaire associé pendant deux ans, il fait l’acquisition complète de Studio Blu, l’un des studios les plus anciens et les plus prestigieux d’Italie pour la nature morte, sélectionnant une équipe capable de fournir un langage visuel unique et déclinable sur différents médias. Il rénove également complètement le Studio, en créant une structure capable de suivre chaque partie du flux de travail, de la créativité à la production jusqu’à la postproduction. Dernièrement, il s’est davantage concentré sur la photographie culinaire et de boissons.
En 2016, il a remporté le prix Hasselblad Master Award (dans la catégorie Nature morte).

Photographie de nature morte avec le GFX100

Si photographier des montres en utilisant la technique de la nature morte peut être un exercice passionnant, il n’en est pas moins difficile. Ce genre de photographie nécessite beaucoup de patience et d’attention aux détails pour capturer la beauté et l’élégance des montres, et les rendre attrayantes à travers l’image.

L’un des principaux défis est de représenter fidèlement le produit. Les montres sont des objets délicats, riches en détails et aux reflets complexes, autant de caractéristiques qui nécessitent une technique appropriée. Elles sont souvent composées de matériaux réfléchissants tels que le verre, l’acier inoxydable poli ou la céramique. Ces matériaux peuvent créer des reflets indésirables ou des effets de miroir, ce qui peut distraire l’attention ou masquer les détails de l’objet. Par conséquent, il est essentiel d’utiliser habilement la lumière pour minimiser ou contrôler ces reflets. En bref, en plus de l’attention « normale » que requiert la photographie de produits, les montres nécessitent certainement des qualités techniques supplémentaires.

La relation avec la marque Unimatic a été passionnante dès le début. Nous nous sommes tout de suite compris, tant sur le plan créatif que pratique. Leur design est ce que j’appellerais raffiné et essentiel, presque minimaliste, ce qui se prête parfaitement aux décors géométriques et colorés.

Et c’est précisément la raison pour laquelle nous avons choisi de réaliser cette image.

Décor et composition

Le fait que la montre soit « sans couleur » (le cadran est noir et le bracelet blanc) m’a conduit à choisir des couleurs intenses et saturées, en particulier une teinte plus foncée pour l’arrière-plan afin de faire ressortir le blanc du bracelet et la brillance du boitier et du cadran. L’orange de la pyramide confère beaucoup de contraste et un fort dynamisme à l’image. Elle se distingue très bien de l’arrière-plan et ajoute de la profondeur. Sur l’image, on peut voir le sommet d’une pyramide en bois d’environ 160 cm de haut, ce qui a rendu le décor particulièrement encombrant et m’a obligé à adopter un point de vue très élevé, mais la taille et les proportions de la pointe étaient parfaites pour la taille de la montre. En plus de la forme, j’ai donné à l’image un sujet. Tous deux créent une sensation de perte d’équilibre et de dynamisme. Une toile de fond en papier a été choisie pour l’arrière-plan.

Pour qu’elle tienne dans cette position, la montre a été fixée à un support que nous avons nous-mêmes fabriqué en plexiglas transparent. Nous lui avons donné une forme en « S » à l’aide d’un pistolet à air chaud et avons fixé la montre à une tige (également en plexi transparent) afin qu’elle puisse être positionnée et soutenue hors-champ à l’aide d’un trépied girafe.

Le choix du cadrage et du point de vue était limité si nous souhaitions maintenir la montre dans une position dynamique, tout en soulignant les détails du cadran de façon à lire la plus grande partie de sa surface. Pour l’aiguille des secondes, nous avons opté pour une position qui a pu « libérer » le nom de la marque et les autres inscriptions. S’agissant d’une montre automatique, nous avons dû utiliser la couronne du remontoir deux fois, dans deux positions différentes. La première en tirant sur la couronne pour bloquer le mouvement, une position que nous avons utilisée tout au long de la prise de vue ; la seconde en repositionnant la couronne pour réaliser d’autres images qui seront insérées plus tard en postproduction. Bien qu’il ne s’agisse pas d’un gros plan, j’ai choisi d’utiliser l’objectif GF120mmF4 R LM OIS WR Macro qui s’est avéré superbe dans son rendu des détails et des couleurs, et son absence de distorsions. S’agissant d’un téléobjectif, il m’a permis de m’éloigner du sujet tout en améliorant la netteté de la mise au point et des détails, en travaillant à une focale F16, 1/5 s, 200 ISO, bien loin de tout éventuel problème de diffraction et donc sans que l’image soit adoucie. Il n’a pas été nécessaire de travailler en “focus stacking”, l’ensemble de la montre était parfaitement net en une seule prise de vue. Une deuxième prise de vue m’a permis de faire la mise au point sur la pyramide. L’arrière-plan est délibérément flou pour perdre le détail de la matière et obtenir une couleur pure. Le papier était en fait rugueux et jamais parfaitement plat.

Sur un plateau comme celui-ci, un contrôle précis de la lumière est crucial. J’ai donc décidé d’utiliser un éclairage continu afin de pouvoir effectuer des micro-ajustements, de la position et de l’intensité, qui s’affichent en temps réel sur l’écran, en prenant des photos comme toujours en mode connecté. La possibilité de « colorer » la lumière m’a également convaincu de faire ce choix.

Configuration de l’éclairage

Comme indiqué précédemment, pour plus de précision et de contrôle, j’ai préféré travailler avec un éclairage LED continu. Étant donné que tout était fixé et que rien ne bougeait, la vitesse d’obturation n’était pas un problème.

Je voulais un éclairage marqué et contrasté qui mette en valeur l’acier du boîtier et le blanc du bracelet, mais il fallait en même temps gérer les hautes lumières au risque de perdre la texture brossée de l’acier et d’autres détails.

L’éclairage principal est un Aputure LS 300d avec un spot optique (un modificateur avec une lentille qui permet de zoomer et de focaliser le cercle de lumière) positionné en hauteur à 45° et parfaitement parallèle à la surface du verre de la montre afin d’éviter tout reflet. Une mise au point précise m’a permis de choisir la netteté souhaitée pour les ombres, à la fois celles projetées par les aiguilles à l’intérieur du boîtier et l’ombre de la montre projetée sur la pyramide, qui était naturellement plus douce.

Pour apporter du relief au côté du boîtier, aux couronnes et aux boutons, j’avais besoin d’un éclairage légèrement moins puissant, mais toujours directionnel et contrasté. J’ai utilisé un Aputure LS 300x avec une softbox parabolique standard et je l’ai placé dans une petite boîte à lumière bricolée avec du plexi blanc à la place d’un tissu diffuseur. D’une taille d’environ 15 x 60 cm, je l’ai positionnée parallèlement à la montre, avec un léger rétroéclairage. La lumière à l’intérieur a été déplacée vers le bas, de manière à créer un léger décalage au niveau du bord avant, plus près de la chambre.

Pour m’aider à mieux séparer le sujet de l’arrière-plan et apporter de la luminosité à l’ensemble du sujet, j’ai utilisé un panneau Lupo SuperPanel 30 Frost, qui était plus doux que la boîte à lumière en raison de l’effet « whip » et de sa taille plus grande par rapport au sujet. Positionné à pratiquement 90° de l’appareil photo, il a fait simultanément office d’éclairage « global » et de contrejour.

À l’aide d’un petit miroir de poche, nous avons réfléchi cette lumière pour mieux dessiner le fermoir en haut et mettre en valeur la gravure dans une image distincte.

En arrière-plan, j’ai voulu créer un dégradé qui s’assombrissait vers le haut. J’y suis parvenu en éclairant le fond depuis le bas avec un deuxième panneau Lupo, cette fois-ci Full Color, et en donnant une teinte bleue à la lumière pour saturer la couleur. L’effet était très intense, mais le trouvant trop sombre, j’ai ajouté un Nanlite Force 3oo avec sa lentille Fresnel (Fl-20G), en focalisant jusqu’à obtenir la douceur et la taille souhaitées pour le « point » de lumière encadrant la montre sur l’arrière-plan.

Description des prises de vue

  1. L’image principale : Tout ce qui est dans la composition finale, l’image complète.
  2. Le fermoir : Une deuxième image réalisée avec le miroir de poche pour le fermoir en haut.
  3. La couronne du remontoir : Après avoir effectué toutes les prises de vue de la montre, pour être sûr de ne rien avoir déplacé, j’ai repositionné la couronne du remontoir avec le plus grand soin (et des gants en nitrile) avant d’effectuer de nouvelles prises de vue. En plus d’avoir la bonne position, les ombres projetées sur le boîtier sont également devenues correctes. Il n’est pas facile de les recréer en postproduction sur la texture brossée, et je préfère donc toujours les avoir en vrai.
  4. La pyramide : Après avoir retiré la montre, j’ai réalisé une deuxième mise au point sur la pyramide.
  5. L’arrière-plan : Que cela soit nécessaire ou non, je préfère toujours avoir une image séparée de l’arrière-plan, car cela nous donne plus de flexibilité en postproduction, et en cas de « banding », c’est plus facile à gérer.

La postproduction

Avec tous les éléments séparés, Ivan, mon post-producteur a pu traiter les images individuellement de manière plus rapide et efficace.

Bien sûr, le nettoyage a pris du temps : avec la richesse des détails et la résolution fournies par le FUJIFILM GFX100 associées au téléobjectif GF120mmF4 LM OIS WR Macro, chaque grain de poussière était net et bien visible, malgré la propreté du sujet sur le plateau.

Le rendu des matières, le fort contraste global ainsi que l’absence de dominante dans l’acier du boîtier et le blanc du bracelet étaient essentiels pour moi, et je pense qu’Ivan a fait un travail remarquable en soulignant et en amplifiant les intentions de lumière sur le plateau, un aspect clé de la relation entre le photographe et le post-producteur.

Au final, il s’est concentré sur l’équilibre et la saturation des couleurs, en travaillant sur l’image globale.

Pour le plaisir et pour envisager différentes alternatives, nous avons essayé de remplacer l’arrière-plan en papier par des variations graphiques autour du thème et des formes.